Choc Culturel - Version française
(Désolée d'avance pour les fautes, c'est plus dur traduire au français que d'écrire un texte original en français, alors il y en aura surement plusieurs fautes et tournures de phrases bizarres...)
J'avais 18 ans lorsque je suis arrivée à Québec, toute seule. À part un court séjour de 4 mois à Timmins, Ontario, je n'avais jamais vécu nul part (du moins pas depuis mes plus lointains souvenirs) en dehors de Moose Factory, Ontario.
Si je m'en étais aller vivre en Inde ou en Chine, je me serais peut-être attendue à des coutumes différentes, mais je ne m'en allais pas plus loin que le Québec. À part le défi linguistique que cela imposait, ça ne pouvait pas être si différent que ça, non?
Eh bien, oui, ça le pouvait.
L'ex-chum gabonais de ma soeur est allé visiter Moose Factory avec elle il y a quelques années de cela. Il a été surpris de découvrir que même au Canada, le tiers-monde existe.
Quand j'ai voyagé au Paraguay, beaucoup de coutumes et d'habitudes ressemblaient tellement à celles des gens de MF que je ne le remarquais pas, jusqu'au jour où quelqu'un dans mon groupe remarquait que telle ou telle autre chose était différente ou bizarre; comme la mannière qu'ils avaient de dire "oui, oui, je vais être là" et de ne jamais se montrer la face; ou le fait que tout commençait toujours une demie-heure en retard; ou encore le fait que les hommes portaient toujours des pantalons longs en dehors de la maison, même quand il faisait très chaud (Cette dernière habitude a changé depuis quelques années à MF); le fait qu'ils étaient tellement tranquils et décontractés ("Así no más" aurait pu être autant la devise de MF que celle du Paraguay); le fait qu'ils n'acceptaient pas d'argent pour un service rendu, et étaient même un peu offusqués si tu l'offrais; leur grande solidarité, par exemple, faire des tirages au profit de quelqu'un qui avait besoin de soins médicaux ou autre (les tirages sont encore très populaire à MF, je vois souvent du monde vendre des billets sur facebook); et surement d'autres choses que je n'ai pas remarquées.
Dans les premier temps, après être arrivée à Québec, je restais avec un groupe de jeunes appellé Marie-Jeunesse (maintenant une communauté religieuse). La neige avait presque toute fondue, et on a décidé qu'il était temps de planter un jardin. On m'a montré la plate-bande en bas de la fenêtre. C'était très petit, rien comme le jardin de mon père à Moose Factory. Mais bon, mieux vaut petit que rien du tout, non? Alors je suis partie acheter des semences de carottes.
Quand ils ont vu cela, ils ont bien ri. Pour moi, un jardin était synonyme de potager. Bien sur, on pouvait y planter quelques fleurs aussi, mais avant tout, un jardin, ça servait à nourir le monde. L'idée qu'on puisse planter un jardin sans légumes ne m'était jamais arrivée avant. S'ils avaient dit "Nous allons planter des fleurs," alors j'aurais été acheter des fleurs, mais on m'a dit "Nous allons planter un jardin," alors j'ai planté des carottes.
Ils ont planté des fleurs peu de temps après, et elles ont poussé à côté de mes carottes qui ont été probablement arrachées au bout d'un certain temps, et on m'a sûrement surnommé "l'anglophone bizarre" après ça.
La première fois que j'ai visité Marie-Jeunesse c'était l'été précédent, et j'étais avec ma soeur. À notre arrivée à la gare d'autobus de Québec, nous avons appellé à Marie-Jeunesse. Une fille est venue nous chercher. Nous ne la conaissions pas du tout. Nous venions d'un lieu décontracté, mais aussi très réservé. Cette fille nous a accueilli comme si nous étions de la famille perdue et retrouvée, avec deux becs sur les deux joues. Lorsque nous sommes arrivées à Marie-Jeunesse, tout le monde a procédé à faire de même. Je ne sais pas si vous le savez, mais quand on est habitué à éviter le contact physique en général, avoir 50 personnes devant soit qui veulent tous nous embrasser, c'est un peu envahissant.
Et puis, il y avait le sens de l'humour. Ça a pris du temps avant de le comprendre et j'ai fait l'erreur de faire des farces dans le style de MF, ce qui peut sembler un peu aggressif à quelqu'un qui n'y est pas habitué. (On fait semblant de vouloir se battre avec la personne - ça n'a pas trop bien passé avec "l'homme blanc".) J'ai rencontré un jour, un étranger dans le bureau d'un ami. Je ne me souviens plus de ce qui s'était dit, mais on est parti à rire, et il m'a flatté l'épaule. Je lui ai tout de suite dit "Je ne suis pas ton chien, je ne suis pas ton chat non plus!"
Une dizaine d'années plus tard, je l'ai mentionné à mes deux frères qui étaient en visite. Je ne comprennais pas pourquoi j'avais dit une telle chose, surtout à un étranger. Un de mes frères m'a dit que c'était juste l'humour cri. Il m'a conté cette histoire: Un jour alors qu'il est à une conférence avec des autochtones, un gars arrive. Mon frère est assis à l'accueil et lui demande, "Êtes-vous un tel?" Le gars hisse sa poitrine et ses épaules et lui répond "Oui, avez-vous un problème avec ça?" Mon frère se lève d'un bond de sa chaise et réplique "Et si j'avais un problème?" Les deux se fixent dans la face l'espace de quelques instants, puis ils se détendent, partent à rire, se donnent la main et commencent à jaser.
À Moose Factory, les gens en voiture arrêtaient souvent pour offrir de ramener quelqu'un à quelque part. Si on voyait quelqu'un traverser le fleuve gelé à -30 l'hiver entre Moosonee et Moose Factory, on offrait de l'embarquer. Si on voyait quelqu'un avec plein de sacs d'épicierie retourner chez lui à la grosse pluie, on offrait de l'embarquer, même si on le conaissait à peine, ou pas du tout. On ne demandait pas de l'argent pour ce service, et on ne s'attendait pas non plus à en recevoir. C'était compris que si on offrait ce service aujourd'hui, demain ce serait le tour d'un autre et toute bonne action est ainsi éventuellement repayé.
Ça m'a pris du temps avant de comprendre qu'au Québec, il fallait offrir de l'argent, tout le temps, même à ses meilleurs amis, pour tout service rendu, au moins pour couvrir les dépenses, comme l'essence, ou le temps perdu. On pouvait savoir d'avance que la personne refuserait, mais il fallait l'offrir pareil, même si ce n'était que pour lui donner la chance de le refuser. Ainsi, la personne savait qu'on appréciait l'effort. Sinon, on passait pour quelqu'un qui profite des autres. Cela a été un dur leçon à apprendre, et m'a sûrement couté quelques amis. Il n'y avait personne pour me le dire avec franchise, car personne ne savait que je ne le savait tout simplement pas.
Voilà ce qui était le plus dificile dans mes premières années au Québec; je n'avais pas l'air d'un immigrant ni d'une minorité visible. Si j'avais été crie et avais eu l'air autochtone, les gens auraient probablement automatiquement attribué mes actions à une culture différente et ils auraient probablement accepté ça sans dire un mot, ou ils m'auraient fait comprendre comment ça marche plus tôt. Puisque je suis blanche, et en plus mon père est francophone, né dans la Beauce, personne, même pas moi-même, n'a réalisé qu'il y avait une confrontation culturelle. Cela aurait été tellement plus facile si quelqu'un avait pu me l'expliquer, mais même mes parents n'auraient probablement pas pu m'aider. Ce n'est que quand j'ai rencontré mon mari que j'ai commencé à comprendre, car il est toujours très soucieux d'offrir de repayer tout le monde pour tout service rendu.
Ce n'est pas tout. Le Québec a été un choc culturel de plusieurs façons. À MF, dans le temps, si une fille portait du linge trop sexy elle était considérée comme "facile" ou une pute. Ou on disait d'elle qu'elle devait croire qu'elle était "quelqu'un". On l'aurait mis à sa place, et les autres filles l'auraient évité. Peu de filles osaient se montrer sexy.
Oui, c'était commun pour les ados de tomber enceinte, et oui c'était commun de faire le party et boire d'alcool, et puis oui, on parlait de sex et des partys, mais c'était plutôt comme une culture "underground". La culture "publique" de Moose Factory n'était pas centrée sur des bars, pour "pogner" un gars ou une fille pour la nuit. L'idée que l'amour et le sex allaient ensemble était encore prévalant, même si on n'attendait pas au mariage pour faire l'amour. On croyait qu'attendre au mariage était mieux, même si personne n'y arrivait vraiment. On avait quand même une moralité plutôt conservatrice, même si on se laissait aller. C'est la différence entre croire que quelque chose est mauvais, mais se laisser entrainer pareil, et croire que tout est bon.
Je me souviens d'avoir regardé un film à Québec avec un ami. Il s'agissait d'un homosexuel et ses amis, (gaies et hétéro) et leur quête pour (je ne sais quoi exactement) une raison pour vivre, un sens à la vie, le bonheur? Le scénario se passait de bar en bar, de séduction en séduction, avec beaucoup de débats intérieurs. Je l'ai trouvé très noir, et loin de la vraie vie. Je ne croyais pas que les gens vivaient de même pour de vrai, c'était tellement loin de ce que j'avais connu auparavant. J'étais frais sortie du bois. Il faut croire que je ne suis toujours pas sortie du bois car le Québec peut toujours me surprendre, comme quand je suis revenue de la Colombie-Britannique il y six ans, et j'ai découvert l'existence des bars échangistes. Je n'aurais pas cru jusqu'alors que tromper son époux(se) pouvait être socialement accepté, ni encouragé.
À Moose Factory, j'étais "la blanche", donc j'étais automatiquement "l'indésirable". Je n'ai aucune idée s'il y a eu des gars qui m'ont trouvé attirantes (et je ne les blâme pas - j'ai des souvenirs pénibles d'acné et de coupes/coiffures ratées), ou intéressante ou si quelqu'un s'intéressait à moi, mais même s'il y en avait eu, j'étais la poche, la nulle, l'indésirable, la blanche. LA personne qui, si tu te tenais avec elle, ou si quelqu'un croyait que tu voulais être avec elle, pouvait descendre ton statut social à zéro. Il fallait m'éviter à tout prix.
Je croyais que c'était juste moi, car j'étais la blanche, mais récemment, j'ai découvert que d'autres se sont fait écoeurer car ils étaient trop "blancs", avaient trop d'ambition, ou voulaient avancer dans la vie. Voilà ce qui étaient des "rêves d'homme blanc". Je crois qu'une de ces cérémonies de pardon où blancs et autochtones se parlent et se pardonne mutuellement me ferait du bien aussi. Les écoles résidentielles, qui ont enlevé de jeunes enfants à leurs familles (souvent par la force), pour ensuite les enseigner que leur religion, leur culture et même leur langue étaient mauvaises, a été une des ces affaires où l'intention était peut-être bonne, (l'éducation) mais la façon de faire était horrible. Comme vous pouvez le constater, cela s'est retourné contre nous, car ça n'a pas juste fait mal à des générations de cris, mais aussi aux petits blancs qui devaient grandir parmis eux. Ironique n'est-ce pas?
Alors, après avoir vecu la vie d'indésirable à MF, cela m'a pris du temps à me défaire de cette mentalité. Je suis certaine que plus d'un québecois m'a trouvé un peu bizarre.
Lors des premiers mois passés à Marie-Jeunesse, je me souviens d'avoir été un peu bafouée par les mannières d'un gars, jusqu'à ce qu'une des filles me dise enfin, "Tu n'es pas la plus belle fille au monde, mais tu es quand même un peu jolie..." ("Euhhh... Merci?") Encore plus gênant, est le jour où j'ai paniqué car un gars a commencé à me parler, et je pouvais sentir qu'il était attiré par moi, et ça me faisait peur. Un couple d'années plus tard, un autre gars voulait sortir avec moi, et j'ai failli lui rire dans la face. Ma première réaction était encore de prendre ça comme une farce, telle qu'on m'aurait fait à MF dans le temps:
"Veux tu sortir avec moi? Ha ha, pareil comme si je le voudrais..."
"Ha ha."
Une chance que j'ai viré ma tête pour le regarder avant de rire. J'ai vu qu'il était absoluement sérieux. Pauvre gars aurait été traumatisé pour la vie. Il demande à une fille de sortir avec lui et elle ne fait que rire hystériquement.
Alors, gens du Québec, si je vous ai traumatisé, ou rejeté avant que vous pouviez me rejeter, ou si je semblais ingrate, ou profiteuse de quelque façon que ce soit, je suis désolée. Ce n'était pas voulu. Allez à Moose Factory et vous aurez votre propre petit choc culturelle, et peut-être vous me comprendriez mieux. Je n'appartiens à nul part. Je ne suis ni canadienne-anglaise/écossaise ni canadienne-française. Je ne suis ni "blanche" de mentalité ni québecoise ou crie. Je suis de nul part et de partout. Une vraie canadienne peut-être?
J'avais 18 ans lorsque je suis arrivée à Québec, toute seule. À part un court séjour de 4 mois à Timmins, Ontario, je n'avais jamais vécu nul part (du moins pas depuis mes plus lointains souvenirs) en dehors de Moose Factory, Ontario.
Si je m'en étais aller vivre en Inde ou en Chine, je me serais peut-être attendue à des coutumes différentes, mais je ne m'en allais pas plus loin que le Québec. À part le défi linguistique que cela imposait, ça ne pouvait pas être si différent que ça, non?
Eh bien, oui, ça le pouvait.
L'ex-chum gabonais de ma soeur est allé visiter Moose Factory avec elle il y a quelques années de cela. Il a été surpris de découvrir que même au Canada, le tiers-monde existe.
Quand j'ai voyagé au Paraguay, beaucoup de coutumes et d'habitudes ressemblaient tellement à celles des gens de MF que je ne le remarquais pas, jusqu'au jour où quelqu'un dans mon groupe remarquait que telle ou telle autre chose était différente ou bizarre; comme la mannière qu'ils avaient de dire "oui, oui, je vais être là" et de ne jamais se montrer la face; ou le fait que tout commençait toujours une demie-heure en retard; ou encore le fait que les hommes portaient toujours des pantalons longs en dehors de la maison, même quand il faisait très chaud (Cette dernière habitude a changé depuis quelques années à MF); le fait qu'ils étaient tellement tranquils et décontractés ("Así no más" aurait pu être autant la devise de MF que celle du Paraguay); le fait qu'ils n'acceptaient pas d'argent pour un service rendu, et étaient même un peu offusqués si tu l'offrais; leur grande solidarité, par exemple, faire des tirages au profit de quelqu'un qui avait besoin de soins médicaux ou autre (les tirages sont encore très populaire à MF, je vois souvent du monde vendre des billets sur facebook); et surement d'autres choses que je n'ai pas remarquées.
Dans les premier temps, après être arrivée à Québec, je restais avec un groupe de jeunes appellé Marie-Jeunesse (maintenant une communauté religieuse). La neige avait presque toute fondue, et on a décidé qu'il était temps de planter un jardin. On m'a montré la plate-bande en bas de la fenêtre. C'était très petit, rien comme le jardin de mon père à Moose Factory. Mais bon, mieux vaut petit que rien du tout, non? Alors je suis partie acheter des semences de carottes.
Quand ils ont vu cela, ils ont bien ri. Pour moi, un jardin était synonyme de potager. Bien sur, on pouvait y planter quelques fleurs aussi, mais avant tout, un jardin, ça servait à nourir le monde. L'idée qu'on puisse planter un jardin sans légumes ne m'était jamais arrivée avant. S'ils avaient dit "Nous allons planter des fleurs," alors j'aurais été acheter des fleurs, mais on m'a dit "Nous allons planter un jardin," alors j'ai planté des carottes.
Ils ont planté des fleurs peu de temps après, et elles ont poussé à côté de mes carottes qui ont été probablement arrachées au bout d'un certain temps, et on m'a sûrement surnommé "l'anglophone bizarre" après ça.
La première fois que j'ai visité Marie-Jeunesse c'était l'été précédent, et j'étais avec ma soeur. À notre arrivée à la gare d'autobus de Québec, nous avons appellé à Marie-Jeunesse. Une fille est venue nous chercher. Nous ne la conaissions pas du tout. Nous venions d'un lieu décontracté, mais aussi très réservé. Cette fille nous a accueilli comme si nous étions de la famille perdue et retrouvée, avec deux becs sur les deux joues. Lorsque nous sommes arrivées à Marie-Jeunesse, tout le monde a procédé à faire de même. Je ne sais pas si vous le savez, mais quand on est habitué à éviter le contact physique en général, avoir 50 personnes devant soit qui veulent tous nous embrasser, c'est un peu envahissant.
Et puis, il y avait le sens de l'humour. Ça a pris du temps avant de le comprendre et j'ai fait l'erreur de faire des farces dans le style de MF, ce qui peut sembler un peu aggressif à quelqu'un qui n'y est pas habitué. (On fait semblant de vouloir se battre avec la personne - ça n'a pas trop bien passé avec "l'homme blanc".) J'ai rencontré un jour, un étranger dans le bureau d'un ami. Je ne me souviens plus de ce qui s'était dit, mais on est parti à rire, et il m'a flatté l'épaule. Je lui ai tout de suite dit "Je ne suis pas ton chien, je ne suis pas ton chat non plus!"
Une dizaine d'années plus tard, je l'ai mentionné à mes deux frères qui étaient en visite. Je ne comprennais pas pourquoi j'avais dit une telle chose, surtout à un étranger. Un de mes frères m'a dit que c'était juste l'humour cri. Il m'a conté cette histoire: Un jour alors qu'il est à une conférence avec des autochtones, un gars arrive. Mon frère est assis à l'accueil et lui demande, "Êtes-vous un tel?" Le gars hisse sa poitrine et ses épaules et lui répond "Oui, avez-vous un problème avec ça?" Mon frère se lève d'un bond de sa chaise et réplique "Et si j'avais un problème?" Les deux se fixent dans la face l'espace de quelques instants, puis ils se détendent, partent à rire, se donnent la main et commencent à jaser.
À Moose Factory, les gens en voiture arrêtaient souvent pour offrir de ramener quelqu'un à quelque part. Si on voyait quelqu'un traverser le fleuve gelé à -30 l'hiver entre Moosonee et Moose Factory, on offrait de l'embarquer. Si on voyait quelqu'un avec plein de sacs d'épicierie retourner chez lui à la grosse pluie, on offrait de l'embarquer, même si on le conaissait à peine, ou pas du tout. On ne demandait pas de l'argent pour ce service, et on ne s'attendait pas non plus à en recevoir. C'était compris que si on offrait ce service aujourd'hui, demain ce serait le tour d'un autre et toute bonne action est ainsi éventuellement repayé.
Ça m'a pris du temps avant de comprendre qu'au Québec, il fallait offrir de l'argent, tout le temps, même à ses meilleurs amis, pour tout service rendu, au moins pour couvrir les dépenses, comme l'essence, ou le temps perdu. On pouvait savoir d'avance que la personne refuserait, mais il fallait l'offrir pareil, même si ce n'était que pour lui donner la chance de le refuser. Ainsi, la personne savait qu'on appréciait l'effort. Sinon, on passait pour quelqu'un qui profite des autres. Cela a été un dur leçon à apprendre, et m'a sûrement couté quelques amis. Il n'y avait personne pour me le dire avec franchise, car personne ne savait que je ne le savait tout simplement pas.
Voilà ce qui était le plus dificile dans mes premières années au Québec; je n'avais pas l'air d'un immigrant ni d'une minorité visible. Si j'avais été crie et avais eu l'air autochtone, les gens auraient probablement automatiquement attribué mes actions à une culture différente et ils auraient probablement accepté ça sans dire un mot, ou ils m'auraient fait comprendre comment ça marche plus tôt. Puisque je suis blanche, et en plus mon père est francophone, né dans la Beauce, personne, même pas moi-même, n'a réalisé qu'il y avait une confrontation culturelle. Cela aurait été tellement plus facile si quelqu'un avait pu me l'expliquer, mais même mes parents n'auraient probablement pas pu m'aider. Ce n'est que quand j'ai rencontré mon mari que j'ai commencé à comprendre, car il est toujours très soucieux d'offrir de repayer tout le monde pour tout service rendu.
Ce n'est pas tout. Le Québec a été un choc culturel de plusieurs façons. À MF, dans le temps, si une fille portait du linge trop sexy elle était considérée comme "facile" ou une pute. Ou on disait d'elle qu'elle devait croire qu'elle était "quelqu'un". On l'aurait mis à sa place, et les autres filles l'auraient évité. Peu de filles osaient se montrer sexy.
Oui, c'était commun pour les ados de tomber enceinte, et oui c'était commun de faire le party et boire d'alcool, et puis oui, on parlait de sex et des partys, mais c'était plutôt comme une culture "underground". La culture "publique" de Moose Factory n'était pas centrée sur des bars, pour "pogner" un gars ou une fille pour la nuit. L'idée que l'amour et le sex allaient ensemble était encore prévalant, même si on n'attendait pas au mariage pour faire l'amour. On croyait qu'attendre au mariage était mieux, même si personne n'y arrivait vraiment. On avait quand même une moralité plutôt conservatrice, même si on se laissait aller. C'est la différence entre croire que quelque chose est mauvais, mais se laisser entrainer pareil, et croire que tout est bon.
Je me souviens d'avoir regardé un film à Québec avec un ami. Il s'agissait d'un homosexuel et ses amis, (gaies et hétéro) et leur quête pour (je ne sais quoi exactement) une raison pour vivre, un sens à la vie, le bonheur? Le scénario se passait de bar en bar, de séduction en séduction, avec beaucoup de débats intérieurs. Je l'ai trouvé très noir, et loin de la vraie vie. Je ne croyais pas que les gens vivaient de même pour de vrai, c'était tellement loin de ce que j'avais connu auparavant. J'étais frais sortie du bois. Il faut croire que je ne suis toujours pas sortie du bois car le Québec peut toujours me surprendre, comme quand je suis revenue de la Colombie-Britannique il y six ans, et j'ai découvert l'existence des bars échangistes. Je n'aurais pas cru jusqu'alors que tromper son époux(se) pouvait être socialement accepté, ni encouragé.
À Moose Factory, j'étais "la blanche", donc j'étais automatiquement "l'indésirable". Je n'ai aucune idée s'il y a eu des gars qui m'ont trouvé attirantes (et je ne les blâme pas - j'ai des souvenirs pénibles d'acné et de coupes/coiffures ratées), ou intéressante ou si quelqu'un s'intéressait à moi, mais même s'il y en avait eu, j'étais la poche, la nulle, l'indésirable, la blanche. LA personne qui, si tu te tenais avec elle, ou si quelqu'un croyait que tu voulais être avec elle, pouvait descendre ton statut social à zéro. Il fallait m'éviter à tout prix.
Je croyais que c'était juste moi, car j'étais la blanche, mais récemment, j'ai découvert que d'autres se sont fait écoeurer car ils étaient trop "blancs", avaient trop d'ambition, ou voulaient avancer dans la vie. Voilà ce qui étaient des "rêves d'homme blanc". Je crois qu'une de ces cérémonies de pardon où blancs et autochtones se parlent et se pardonne mutuellement me ferait du bien aussi. Les écoles résidentielles, qui ont enlevé de jeunes enfants à leurs familles (souvent par la force), pour ensuite les enseigner que leur religion, leur culture et même leur langue étaient mauvaises, a été une des ces affaires où l'intention était peut-être bonne, (l'éducation) mais la façon de faire était horrible. Comme vous pouvez le constater, cela s'est retourné contre nous, car ça n'a pas juste fait mal à des générations de cris, mais aussi aux petits blancs qui devaient grandir parmis eux. Ironique n'est-ce pas?
Alors, après avoir vecu la vie d'indésirable à MF, cela m'a pris du temps à me défaire de cette mentalité. Je suis certaine que plus d'un québecois m'a trouvé un peu bizarre.
Lors des premiers mois passés à Marie-Jeunesse, je me souviens d'avoir été un peu bafouée par les mannières d'un gars, jusqu'à ce qu'une des filles me dise enfin, "Tu n'es pas la plus belle fille au monde, mais tu es quand même un peu jolie..." ("Euhhh... Merci?") Encore plus gênant, est le jour où j'ai paniqué car un gars a commencé à me parler, et je pouvais sentir qu'il était attiré par moi, et ça me faisait peur. Un couple d'années plus tard, un autre gars voulait sortir avec moi, et j'ai failli lui rire dans la face. Ma première réaction était encore de prendre ça comme une farce, telle qu'on m'aurait fait à MF dans le temps:
"Veux tu sortir avec moi? Ha ha, pareil comme si je le voudrais..."
"Ha ha."
Une chance que j'ai viré ma tête pour le regarder avant de rire. J'ai vu qu'il était absoluement sérieux. Pauvre gars aurait été traumatisé pour la vie. Il demande à une fille de sortir avec lui et elle ne fait que rire hystériquement.
Alors, gens du Québec, si je vous ai traumatisé, ou rejeté avant que vous pouviez me rejeter, ou si je semblais ingrate, ou profiteuse de quelque façon que ce soit, je suis désolée. Ce n'était pas voulu. Allez à Moose Factory et vous aurez votre propre petit choc culturelle, et peut-être vous me comprendriez mieux. Je n'appartiens à nul part. Je ne suis ni canadienne-anglaise/écossaise ni canadienne-française. Je ne suis ni "blanche" de mentalité ni québecoise ou crie. Je suis de nul part et de partout. Une vraie canadienne peut-être?
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